Sur place on m’a appelé 20 ans plus tard à ressentir les tueries, et notamment à m’y arrêter, rester dans l’émotion plutôt que d’enquêter. J’avais déjà depuis 1998 (conscience tardive adolescent en France, pris par la famille, les études en tenailles) ressenti mille fois et davantage en écoutant des témoignages lors de conférences, regardant des archives vidéos/photos, des films et lisant l’horreur infinie comme je pouvais pendant près de deux décennies donc. Devant les cranes en les mémoriaux de Kigali et Bisesero respectivement comme au devant de l’Eglise Saint Jean à Kibuye marquée considérablement, le stade plus bas aussi, etc, je n’ai pas eu du tout la nécessité de m’enfermer dans ce ressenti des tueries et massacres auquel on voulait m’amener. Ils sont deja en moi, imprégnés, sur la durée. J’ai alors davantage porté naturellement mon attention sur la vie autour, précieuse, et bien sur cherché à entendre toujours davantage, aider modestement et si possible face à des traumas physiques/psychiques lourds évidemment, sans me voiler des horreurs, au contraire. J’ai pris la récitation à laquelle on voulait uniquement me livrer et circonscrire avec compassion vis à vis de l’ensemble des victimes et rescapés, leurs familles. Mais j’avais conscience que ce n’était pas indispensable me concernant de m’y isoler pour apprendre ce que cela peut être, le pire en chaque vie arrachée. J’avais à faire avancer au mieux les connaissances en cherchant à la suite de toi Serge comme tu sais, grâce à ce que tu as pu faire. T’en remercie, pour l’humanité que nous avons à chérir le plus possible, en nous et au delà.
Matjules
7 avril 2020
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- Crédit : Matjules